A quelle tribu avez-vous envie d'appartenir ?
Quelques réflexions sur celles et ceux qui composent nos vies et nos actions.
👋 Bonjour !
Merci pour vos retours suite au deux premiers numéros de cette newsletter et bienvenue aux nouvelles personnes qui se sont abonnées !
Je suis vraiment heureuse que ces éditions vous intéressent et suscitent des réflexions pour vous !
Si vous n’êtes pas encore abonné(e) :
Au programme de cette édition :
Qu’est-ce que cela signifie “trouver sa tribu” ?
Quelques considérations artistiques
Deux questions pour vous
Ma recommandation du jour entre différents pays et cultures
C’est parti ! 🔥
Vous pouvez écouter cette newsletter au format audio ici.
Trouver sa tribu
Dans la première édition, j’ai partagé avec vous ma grande découverte que "la recherche académique est profondément existentielle. Je disais cela car “on doit décider avec quelle paire de lunettes on a envie de regarder le monde, à quelle tribu on a envie d’appartenir, et à quoi on a envie de contribuer.” (Oui, je m’auto-cite !)
Nous avons commencé à explorer ensemble la première partie, celle du regard que l’on porte sur le monde et la connaissance. J’ai commencé à vous parler d’agentivité sous le prisme de chercheurs dont je vais mobiliser la théorie.
Il est temps de s’intéresser à cette histoire de tribu. Pour le coup, j’utilise ce mot de manière non académique mais populaire, au sens de clan, de groupe dont on a envie de faire partie.
Dans la recherche, on doit décider avec quels auteurs on a envie de “dialoguer”. Ceux sur qui on peut s’appuyer pour valider notre intérêt pour un sujet et à la fois auprès de qui on peut aussi ajouter une brique.
Si j’ai bien identifié les théoriciens des concepts sur lesquels j’ai envie de bâtir mes réflexions, je suis encore en train d’explorer les communautés de chercheurs plus contemporains avec qui converser. Cette conversation sera à ce stade assez abstraite, mais avec un peu de chance, elle pourra se concrétiser par des épisodes de podcast par exemple !
En tout cas, ce qui est sûr, c’est que dans ma vie, je sais à quelle tribu j’ai envie d’appartenir !
Déjà, j’ai ce que j’appelle ma “galaxie inspirante”. Ce sont des personnes dont j’admire le travail, les réflexions, les actions.
Dans mon quotidien, il y a les personnes que j’aime, bien sûr. Et puis les personnes avec qui je travaille (et j’ai la chance que ces deux catégories se croisent !).
Par exemple, avec mes camarades du Collectif SOWOW. Nous avons décidé il y a 2 ans de nous réunir pour créer du contenu et proposer une conférence et des accompagnements désormais centrés sur le nouvel équilibre à créer dans la relation talents-entreprises et dans les relations dans les entreprises.
Nous portons une vision optimiste, humaniste, et responsable.
Nous sommes convaincues que nous avons un rôle à jouer dans la société et nous sommes animées par les mêmes valeurs. Oeuvrer à leurs côtés est une chance et une joie folle !
Récemment, un post de la journaliste Salomé Saqué sur Linkedin particulièrement négatif sur le monde du travail m’a fait me demander si j’étais à côté de la plaque, à défendre une vision positive des évolutions possibles du travail, ou si j’étais plutôt en train de participer à co-créer une nouvelle réalité. Il y a de fait plusieurs courants, plusieurs communautés, qui parlent du travail. Et en pensant à notre collectif, à d’autres personnes et partenaires avec qui j’ai le plaisir de travailler, à mes clients qui sont engagés dans des transformations réelles, j’ai définitivement opté pour la seconde option (celle qui dit que je participe à co-créer une nouvelle réalité).
A peu près en même temps, Jérémy Lamri - dont je vous ai déjà parlé la dernière fois - a publié un post allant dans le même sens, et récemment Marie Robert, clairement membre de ma “galaxie inspirante” dont je lis assidument les posts chaque matin sur Instagram (@philosophyissexy), nous proposait de “dessiner d’autres contours” pour le monde qui vient (dans ce texte).
Je sais donc que je ne suis pas seule à contribuer à ce mouvement.
Constater que des choses fonctionnent et être conscient de tout ce qui ne fonctionne pas n’est pas incompatible.
Oui, il existe un mouvement réel et concret de personnes engagées dans des mutations positives du travail, et qui vivent le(ur) travail de manière sereine ET des personnes pour qui travailler est insupportable.
Ces réalités co-existent, cohabitent. Il est indispensable de tout prendre en considération.
J’assume d’être idéaliste et utopiste.
Et je pense qu’il est sain de continuer à suivre ce que font les autres communautés. Elles parlent de nous, de nos sociétés, de leurs évolutions.
Choisir une tribu, ce n’est pas s’exclure des autres, ni ne pas être attentif à ce qu’il se passe autour de nous. Il est important de connaître les autres tribus pour les comprendre, pour faire un choix éclairé (comme quand nous devons lire énormément d’articles en recherche avant de trouver ceux avec qui on va résonner et raisonner le plus). C’est aussi important d’avoir un oeil curieux et même de voir si les autres espaces et tribus peuvent nous nourrir. Et si nous sommes en désaccord, comprendre ce qui provoque ce désaccord, et voir ce qui vient au contraire se renforcer chez nous.
Je pense que chacune des tribus a un rôle et est utile.
Je vois un parallèle avec les archétypes de Carl G. Jung, que nous explorons souvent en accompagnement. Selon cette théorie, nous avons recours à différentes énergies selon les moments ou circonstances de nos vies. Chacun a un rôle en nous et nous avons besoin de tous.
Selon Jung, ce sont des figures symboliques et universelles qui structurent notre inconscient collectif. Ces archétypes ne sont pas seulement présents à titre individuel, ils vivent également dans les dynamiques collectives, façonnant nos identités de groupes, nos communautés et nos tribus.
Quand nous appartenons à une communauté de personnes partageant les mêmes convictions, nous mobilisons certains archétypes spécifiques qui renforcent notre sentiment d'appartenance et notre engagement.
Mais ce qui est passionnant dans l’approche jungienne, c’est de réaliser que d’autres communautés, qui portent des convictions parfois très différentes ou même opposées, sont tout autant traversées par ces archétypes. Simplement, elles activent d’autres dimensions de ces mêmes symboles universels, révélant ainsi la pluralité et la complexité des récits que nous pouvons habiter.
La coexistence de ces différentes « tribus » permet à l'inconscient collectif d’exprimer toutes ses facettes, même celles avec lesquelles nous ne sommes pas spontanément en accord. La reconnaissance de cette diversité archétypale peut alors devenir un chemin vers davantage d’ouverture et de compréhension, en intégrant non seulement notre propre Ombre (ces parts de nous que nous préférons ignorer ou rejeter), mais aussi celle des autres groupes.
En prenant conscience que chaque tribu, chaque communauté, reflète une part essentielle de la psyché collective, nous pouvons mieux comprendre pourquoi il est précieux que toutes ces voix existent. Car c’est à travers ce dialogue symbolique et archétypal permanent que nous avançons, en tant qu’individus et en tant que sociétés, vers une conscience élargie.
Dans le contexte actuel de sensation d’effondrement du monde, il peut être tentant de ne plus agir. C’est là que la force de la communauté ou de la tribu intervient. On peut être sidéré, se dire que cela ne sert à rien. Au contraire, c’est dans ces moments que c’est le plus important.
J’aimerais de nouveau mentionner Laetitia Vitaud (dont je vous ai déjà parlé dans l’édition précédente). Dans une des récentes éditions de sa newsletter Nouveau Départ, que je vous recommande, Laetitia défendait le “biais de normalité”.
“La vraie question n'est peut-être pas de savoir si nous devons ou non succomber au biais de normalité, mais plutôt de comprendre quand il devient notre allié plutôt que notre ennemi.
Lorsque nous avons une marge d'action concrète face à une menace, le scénario du pire est utile : il nous pousse à agir, à nous préparer, à prendre des précautions, à voter. Mais quand cette marge d'action est inexistante, n'est-il pas plus sage de choisir la normalité ?
La normalité, c’est aussi l’action locale. Continuer à écrire sur le management, l'innovation, ou le monde du travail n'est pas un acte de déni. C'est contribuer, à notre échelle, à maintenir le tissu social et économique qui nous permet de faire face aux défis plus larges. C'est maintenir une forme de normalité qui, peut-être, nous rend plus robustes. (En tout cas, j’essaye de m’en convaincre).
Alors oui, vive le biais de normalité ! Non pas comme une fuite, mais comme un choix conscient de continuer à construire, à créer, à vivre pleinement dans notre sphère d'influence. Si une météorite doit s'abattre sur nous, autant avoir passé nos derniers moments à faire ce que nous aimons, avec ceux que nous aimons.”
Nous pouvons porter nos voix aussi fort que ceux qui créent le chaos. Et peut-être qu’un jour, c’est nous qui serons plus visibles.
En lien avec cela, je crois profondément que nous pouvons nous dire que nous avons un pouvoir d’action locale. Je vous parlais de capacité d’agir et de marges de manoeuvre dans l’édition précédente, il y a un fil entre les différentes choses que je vous partage !
En fin d’année dernière, j’ai fait mon premier “buzz” sur LinkedIn.
Plus de 280 000 impressions, 1600 réactions, 73 commentaires, 18 repartages pour un post très simple qui parlait de solidarité, de petites actions, de communauté, de lien. Une photo un peu moche prise sur le vif, mais qui mettait en lumière ce qui nous connecte. L’engouement sur cette histoire m’a vraiment donné foi en l’humanité. Ce que l’on croit parfois avoir peu de sens peut en avoir immensément.
Pour conclure cette partie, j’aimerais partager avec vous un extrait de mon dernier essai qui reboucle avec tout cela :
“J’ai toujours aimé la notion linguistique de fonction performative du langage. En prononçant simplement des phrases, nous avons un impact sur la réalité. Par exemple, la déclaration d’un verdict au tribunal enverra une personne en prison ou lui rendra sa liberté ; une union de mariage déclarée considèrera symboliquement un couple marié. Je pourrais citer des milliers d’exemples. Nos mots changent la réalité. Pour revenir à l’idée de fiction que je développais précédemment, j’ajouterais que le langage fait partie prenante de cette construction : « Toute réalité sociale repose sur des actes performatifs et des « croyances partagées », c’est-à-dire, les représentations collectives qui façonnent nos manières de penser à l’échelle individuelle, et ce, souvent inconsciemment. » (Source) Ce que nous décidons de créer, les récits que nous nous racontons peuvent être performatifs. A titre individuel, l’auteure Lori Gottlieb nous invite à devenir les éditeurs de nos vies, à prendre conscience de notre puissance et de notre rôle dans nos récits : « The way we narrate our lives shapes what they become. »
Nous sommes portés par le tournant du destin de notre espèce, alors collectivement, nous pouvons devenir un égrégore, « un concept désignant un esprit de groupe constitué par l’agrégation des intentions, des énergies et des désirs de plusieurs individus unis dans un but bien défini. »
Pour cela, nous avons besoin de clarifier plus que jamais au nom de quoi on agit et d’entrer en action avec ceux avec qui on est en résonance, avec qui on partage une intention et des valeurs communes. Nous pouvons identifier les personnes avec qui on a envie de travailler dans l’entreprise et en dehors, identifier les communautés dont on se sent proche et avec qui on a envie d’œuvrer. Pour faire face aux enjeux et aux crises, ce sont les changements collectifs qui nous permettront de résister et les relations que nous créerons les uns avec les autres. Dans ce moment de bascule pour l’humanité, dans de nombreux domaines, nous pouvons construire collectivement un nouveau monde dans lequel tout peut potentiellement être redéfini.
Chaque jour, nous choisissons d’adhérer à un récit. Alors si vous souhaitez participer à l’écriture de nouveaux récits, demandez-vous si vous adhérez profondément à celui qu’on vous propose. Réfléchissez à ce qui entre en résonance avec vous et explorez des pistes d’inspiration. Rejoignez des collectifs, contactez des personnes qui vous inspirent, voyez comment participer à cette écriture, concrètement, en partageant vos valeurs, ou plus passivement en vous imprégnant de ce qui vous paraît juste.
Le récit va s’écrire en filigrane, à la contrée des actions conscientes et concrètes et des inconscients par ruissellement, grâce aux créateurs de contenus, à ce qui est partagé, aux communautés.”
Marie Robert partageait dans sa newsletter de novembre 2022 un texte sur Hannah Arendt et l’importance de la distinction conceptuelle entre le travail et l’oeuvre : « Faire, c’est œuvrer, c’est fabriquer quelque chose, et de cette façon, c’est participer à l’édification d’un monde commun. Les œuvres durent, elles ne se consomment pas. Œuvrer, c’est comprendre ce que font nos mains, où nous mènent nos gestes. Nous sommes des homo faber, des hommes artisans, nous appartenons à ce monde en faisant. L’œuvre dépasse le travail et intègre tous ceux qui en apparence ne « travaillent » pas. (…) L’œuvre n’est pas un terme prétentieux, au contraire, il est humble. L’œuvre nous met en commun. »
C’est ma conviction profonde : nous pouvons oeuvrer, ensemble, à l’avénement d’un nouveau monde commun, plus sain, plus vertueux, plus soutenable.
Approche artistique
Pour illustrer cette newsletter, je suis allée piocher dans un de mes boards Pinterest où j’avais regroupé il y a longtemps mes oeuvres d’art favorites. J’ai retrouvé ce tableau du peintre et sculpteur argentin Julio Le Parc. Et j’ai fait un lien avec l’approche constructiviste en épistémologie dont je vous ai parlé dans le premier numéro ! (Julio Le Parc appartenant au mouvement artistique du constructivisme).
En philosophie des sciences et en épistémologie, le constructivisme considère que la connaissance n'est pas une simple révélation d’une réalité objective préexistante, mais une construction qui dépend de l’interaction entre l’individu et son environnement. Il rejette l’idée d’un savoir totalement objectif et insiste sur la médiation des représentations, du langage et du contexte social.
Dans le monde des arts, le constructivisme met également l’accent sur la manière dont la réalité est construite plutôt que simplement représentée ou découverte.
Dans les deux disciplines, le constructivisme invite à considérer le rôle actif du sujet. Chez Le Parc, cela se traduit par un refus de l’œuvre figée.
“All my work invites viewers to feel free to interact, with their own personality, their own vision and their own feelings, not imposed by me. The ideal spectator is the most free, most open, least conditioned. The most important thing for me is that brief moment of interconnection." – Julio Le Parc, 2014
Traduction : « Tout mon travail invite les spectateurs à se sentir libres d’interagir, avec leur propre personnalité, leur propre vision et leurs propres ressentis, sans que je ne leur impose quoi que ce soit. Le spectateur idéal est celui qui est le plus libre, le plus ouvert, le moins conditionné. Ce qui compte le plus pour moi, c’est ce bref moment d’interconnexion. »
J’ai adoré faire des liens entre l’épistémologie et ce tableau choisi par instinct !
Cette semaine, mon artiste préféré, Vincent Delerm, a publié la pochette de son prochain album.
Il a ajouté ce texte :
““La fresque” s’est vite imposé, avec l’envie d’écrire un projet sur l’importance et la place des autres dans nos vies.
La manière dont ça nous fabrique, nous oriente, nous rend heureux, nous bouleverse. Tout comme s’est imposée cette idée de visuel : réunir les visages de celles et ceux qui ont compté, qui comptent. Les silhouettes floues de l’enfance, les premières idoles, les amours adolescentes, les amitiés fidèles, les figures disparues et celles qui ont traversé les années. La vie avec les autres, la vie sans les autres.”
Tout ce que fait Vincent Delerm me bouleverse. Ses chansons, ses musiques, ses films, ses photos. Il sait parler comme personne des émotions, des sentiments, de la vie. J’avais prévu d’écrire cette newsletter sur les personnes qui composent nos vies et avec qui nous avons envie de contribuer au monde. Ceci est arrivé comme un cadeau.
Ma proposition pour vous
Aujourd’hui, j’ai deux questions simples pour vous :
Avec quelle tribu avez-vous envie d’agir ?
Qui fait partie de votre galaxie inspirante ?
N’hésitez pas à m’envoyer vos réponses, nous pourrons créer une immense fresque ensemble !
Ma recommandation du jour : être né(e) et avoir grandi au Japon sans avoir l’air Japonais(e)
Pour terminer, une vidéo d’un Youtubeur japonais que l’algorithme m’a poussée et que j’ai adorée !
Plusieurs personnes nées au Japon d’origines diverses témoignent de leur vie au Japon et ailleurs, entre leurs racines, leurs cultures, leurs langues. Elles partagent leur expérience, la place des différents pays dans leur vie, leur attachement au Japon, leurs projets.
J’ai été touchée par la simplicité de cette vidéo et la richesse culturelle et linguistique (écoutez-les parler en japonais à la fin, c’est fascinant) des personnes interviewées.
Cela m’a fait du bien de rêver à un monde moins fragmenté où la différence n’est autre chose qu’une richesse.
Je serais curieuse d’avoir vos retours si vous y jetez un oeil !
Parlons-en !
Qu’avez-vous pensé de ce numéro ?
Cette newsletter est un espace de réflexion et de dialogue. N’hésitez pas à répondre par mail, commentez, partagez vos idées et vos propres récits !
Vous pouvez aussi me retrouver sur LinkedIn ou sur Instagram, et suivre le podcast Work Narratives.
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Mes propositions d’accompagnements et de conférences sur mon (nouveau !) site : www.valentinegatard.com
A bientôt !
Valentine